Des loups et des dragons

Une bourrasque s'acharnait une fois de plus sur le Château du nouveau roi de Draioch, menaçant d’arracher les pierres elles-mêmes de leurs mortiers. Incapable de dormir, la Louve s’extirpa du lit en tassant les rideaux avec impatience. Le feu dans l’âtre étant réduit aux braises, elle lui nourri quelques bûches supplémentaires. Les flammes se ravivèrent immédiatement, réchauffant quelque peu la pièce aux murs froids.

Draioch n’était pas comme elle l’avait imaginé. La terre ici était comme endormie et cherchait à se réveiller. Lors de ses escapades sous la pleine lune, la Louve ressentait bien l’attente qui vibrait au travers des montagnes. Quelque chose se préparait sous la neige et l’esprit sauvage des lieux appelait la nouvelle reine. Exaspérée de l’attente qu’elle ressentait pour la chose intangible, Wulf fit les cent pas et finalement décida de braver la tempête dehors. Vêtue de sa tenue de nuit et d’une couverture de fourrure, elle parcouru les corridors du château et tut du regard le garde armuré de cuir qui surveillait la porte des domestiques.

La tension qu’elle ressentait se dissipa au moment où elle ouvrit la porte. La neige s’était estompée pour tomber paresseusement en gros flocons. Décidée, elle posa le pied nu dans la neige et laissa tomber toutes traces de civilités. Poussée par le corps souple et puissant qui lui était toujours aussi nouveau, elle dévala le terrain à toute allure, aidée de ses sens aigus qui lui disaient, instinctivement, où poser les pattes. Elle se retrouva au pied d’un mur de glace; les vestiges majestueux d’une chute emprisonnés par la saison. Une odeur d’encens s’achemina jusqu’à ses naseaux…

Même si l'odeur de l'encen se mariait bien avec celle de la forêt givrée, la louve laissa
sa curiosité l'emporter. Elle gagnait rarement cette guerre intérieure. À pas calculés.
elle se dirigea vers la provenance de cette odeur.

En suivant son nez, la louve trouva une lucarne dans la glace, tout juste assez grande pour s’y frayer un passage. Rampant dans le tunnel, Wulf se retrouva dans une grotte où s’y trouvait un rocher glacé et iridescent. Maintenant debout sur ses pattes, la louve leva la tête pour flairer de nouveau. Il n’y avait aucun doute, l’odeur d’encens venait d’ici, mais elle ne pouvait en voir la source. Furtivement, elle prit quelques pas de plus vers le roc avant d’y poser une patte. Vexée, elle expira son souffle brusquement, pour finalement éternuer quelques fois. La pierre était étrange.

« Interesssting… you sssmell of kingsss and godlingsss. »

En poussant un petit bruit de surprise, Wulf se retourna en sursaut pour se retrouver en face d’un vieil homme vêtu d’une toge blanche usée. Il clignait des paupières lentement sur des yeux iridescents et aux pupilles verticales. La surprise de Wulf s’agrandit d’avantage lorsqu’elle s’aperçu qu’elle était vêtue d’une robe paysanne blanche. Le vieil homme reprit la parole :

« Bonsssoir»

La louve plissa le nez à sa nouvelle tenue. Non qu'elle était inconfortable mais l'effet de surprise
ne lui avait pas plus.

-Mais qu'est-ce que.....

Sans arme, la louve se retourna pour faire face à ce personnage qui l'avait senti . Pour un instant , elle
crut qu'il s'agissait d'un rêve mais cette hypothèse fut rejetée.

-Qu'est-ce cette pierre? et qui êtes vous? Je suis Wulf.

Le viel homme semblait prendre une éternité avant de répondre. Une fois de plus, il cligna lentement les paupières sur ses yeux irridescents avant de répondre.

- Je sssuis un des gardiens de csses lieux. La pierre étrange est ma forme corporelle. Que fais-tu icssi petite?

-J'arrive difficilement à m'endormir, je ressentais un appel.. ou plutöt je ressentais
ce qui veille sous la montagne. attendiez-vous ma visite? tentiez-vous d'attirer
quelque fée dans votre antre avec cet odeur? Je ne sais pas pourquoi
je suis ici mais ce que je sais c'est mon flair m'y a guidé ici ou mon instinc.
Si vous êtes un gardien de ces terres n'êtes vous pas de ceux qui descendent
des dragons?

La louve soudainement aussi curieuse qu'une gamine ne cessait de bombarder le gardien.

Le gardien cligna des yeux lentement et semblait surpris de toute les questions que lui posait la jeune femme.

"Les Milandes vivent présssentement de grands changements, la terre est dans le processsuss de guérison. Il est interressssant de savoir qu'une mortelle resssente le changement qui sssurvient."

Le vieil homme eu un sourire en coin avant de s'asseoir sur un rocher: "Je me rappellerais d'avoir appelé une jolie dame chez moi et csss'est bien la première fois qu'une mortelle dit m'avoir trouvé grâcssse à mon odeur! Tu est plus un myssstère que moi douce dame. Mais puisssque que tu y suis, que puis-je pour toi?"

-La terre guérrit ... se dit-elle en douceur avec un sourir.

Elle regarda l'être et demeura polie, patiente et émerveillée.

-Je suis Kaerian, fille de Brigid, déesse des loups, je suis femme de Garan dit le juste, roi de Draioch,
je suis Wulf guérrière légendaire des Milandes.
Je suis soulagée que les terres guérissent et que la forêt renaît. N'êtes vous pas cette même terre qui guérrit ou n'êtes vous pas le frère dragon? Je doute que je suis ici par hasard. Je doute que mon insomnie soit vaine.
Ce que vous puissez pour moi?
Je suis nouvellement liée à cette terre et j"ai l'impression qu'elle m'appelle.

« La fille de Brigid… Mariée au roi de Draioch. » Il roula les mots lentement pour les apprivoiser tout en considérant la guerrière. « Oui, en effet, ççça pourrait aller. » Murmura-t-il à lui-même. « Ççça explique cccertainement les choses… » Il posa de nouveau son regard sur Wulf : « Tu peux laisssser sssommeiller tes inquiétudes chère enfant. Mon devoir est envers la lignée du roi et donc je veillerai sssur toi et les tiens. Tu as la parole de Perceadan. Malgré le fait qu’elle n’y ressstera pas longtemps, il est bon que la fille de Brigid ait une place parmis le peuple des enfants du Pendraig. Ssson cœur, lui, y ressstera et le sssouffle du pays lui enssseignera comment apaiser l’âme des Milandes.»

L’image du vieil homme disparu avec un sourire apaisant. Wulf entendit des paroles dans sa tête : « Comment te ramener chez toi maintenant? » Wulf se retourna vivement. Derrière elle, le rocher avait disparu et Perceadan la regardait avec ses yeux iridescents de chats. La tête du dragon blanc avait environ la longueur des bras étendus de Wulf. Celui-ci la regardait en accotant sa tête massive sur une de ses pattes d’avant, aux griffes longues comme des poignards. L'odeur d'encens se faisait plus insistante à chacun des souffles qui l'échappaient.

La guerrière exécuta une honorable révérence envers son nouveau protecteur.

-Je vous dois le respect gardien; et la fille de Brigid ne restera pas longtemps certes
mais elle y reviendra car c'est ici maintenant chez elle. Longtemps, j'ai parcouru les
Milandes sans avoir d'endroit où revenir maintenant je suis mariée à cette terre et
j'y reviendrai toujours. De plus en votre honneur Perceadan et en celle du Pendraig
je retire la malédiction que je me suis moi même infligée. Je retire au nom de Brigid mère
louve, pour les terres de Draioch et pour Garan mon âme et mon Roi ces paroles
qui ont maudites autrefois ma descendance. Ici devant vous, que mes paroles soient
entendues par le Pendraig et Brigid.

Ainsi demeura la louve, à genoux devant le dragon. Elle s'enivra de l'odeur d'encens.

L'odeur d'encens enivra les sens de la guerrière et lui apporta un sentiment de paix. Elle ferma les yeux un instant pour se l'imprégner à sa mémoire quand une voix l'appela: " Ma Dame, Ma Dame! Réveillez vous!"

Wulf ouvri les yeux pour se découvrir dans la pénombre de sa chambre. Les fenêtres étant calfeutrées contre les rigueurs de la saison froide, la seule lumière était à la portée de la main de la fille qui la regardait avec un air un peu inquiète.

"Dame Wulf, vous vous sentez bien?"

Kaerian ouvrit les yeux et pour un instant elle cherchait le dragon. Réalisant que la jeune femme de chambre se tenait devant elle toute inquiète, la guerrière se laissa retomber sur sa couche cherchant pourtant un léger souvenir de ce songe. Elle inspira profondemment les reste d'odeur d'encen qui la rassura.

-Qu'y a-t-il Béatrice?

Comme toujours, la servante baissa les yeux sur ses joues creuses et se recroquevilla sur elle-même. N'osant pas croiser Wulf du regard, elle lui souffla rapidement d'une petite voix: "Il est presque l'heure du souper, majesté. Tout le château fort vous cherche. Vous n'étiez pas dans votre lit ce matin... Sire Derrin dit vous avoir vu sortir... Le roi m'a commandé de vérifier si... Désirez vous vous habiller?"

La jeune femme s'affaira à trouver les vêtements de Wulf et de les étendre. "Je vais alerter la garde que vous êtes ici." Elle s'éclipsa rapidement, comme un chien battu.

Était-ce à ce genre de soumission que se mettaient toutes les femmes de chambre?

-Vous n'avez pas besoin de craindre Béatrice. Vous dites qu'il est l'heure du souper?
Qu'on m'a cherché? Et le roi, il est.... inquiet ou est-il ...

Wulf ne voulait réellement se confier à Béatrice alors elle tenta de mettre de côté cette
aventure nocturne afin de se montrer présente au souper et d'être au côté de Garan.

-Avertissez le roi que j'arrive et je vais m'habiller seule. Vous pouvez disposer.